Voyage à travers de l’essence de l’art.

En amont de l’exposition, nous parviennent de lointaines harmonies. Nous nous glissons dans le noir total de la salle, tout emplie par une pensée uniforme et créatrice, symbolisée par le son toujours plus présent, remplissant l’invisible comme une pensée céleste, et variant selon les endroits, un peu comme un après big-bang. Que s’est il passé à cet endroit ? et à cet autre endroit ?

Dans ce noir absolu, quelques lumières percent les ténèbres et viennent jusqu’à nous. Elles progressent doucement en intensité, lumières colorées disséminées dans la pleine obscurité. Elles guident et jalonnent notre chemin, nous invitant à une rencontre. Persiste toujours la musique des sons, qui varient selon les endroits où nous nous déplaçons dans l’installation.

La luminosité progressant, nous pouvons entrevoir des formes de personnages composés d’émissions de couleurs différentes. Pour certains, la couleur est instable comme une humeur changeante et pour d’autres, elle paraît incrustée dans la matière éternelle. Nous nous sentons comme transportés vers la période prénatale de l’univers, à un moment où rien n’était encore figé. Des formes naissantes se révèlent à nous, chaque instant plus précises, pareilles à des pensées se faisant matière.

Un panorama, composé de lumières toutes différentes et jaillissant de multi lieux, se dessine. Chaque émission est lié à un son particulier de l’harmonie. Chaque œuvre compose sa propre musique. Toutes ces formes sont actives et elles nous apparaissent comme des planètes flottant en apesanteur.

La lumière, plus présente à chaque instant qui passe, nous invite à voir des silhouettes de femmes ou d’hommes, leur identité restant indéfinie, Et quand nous tournons autour de chacune de ces silhouettes, nous découvrons que ce n’est pas d’une seule couleur qu’elle se compose. Elle est comme un tableau abstrait en lien avec la posture figurative suggérée. L’énergie de la composition chromatique complète le corps, ajoute une interprétation supplémentaire, qui s’imbriquant en elle.

Si nous nous concentrons uniquement sur ce tableau, il devient unique et se suffit à lui-même.

Nous nous arrêtons et observons l’une des œuvres qui se dresse devant nous, nous dépasse tel un géant extra-terrestre, lointain et si proche, comme à l’origine de notre vie. Nous établissons alors un lien entre cette lumière, qui est une composante intégrante de la sculpture passant à travers la chaire de l’œuvre et nourrissant sa couleur, et l’ambiance sonore unique qui en émane et vient jusqu’à nous. L’œuvre témoigne de la lumière de la pensée qui se fait matière au travers de la vie. Aucun doute n’est permis : la pensée lumière de vie nous livre autant de possibilités d’interprétation de l’œuvre en tant que réalisation unique et possible.

Dans le cheminement de notre exploration, nous nous arrêtons devant chaque silhouette, la précédente nous permettant de toujours mieux décoder la suivante. Des questions, que toutes soulèvent en nous, naît une lecture personnelle, établie par notre propre décodage. Les liens entre les œuvres nous apparaissent ; ils constituent des chemins dans ce dédalle composé par plus de 20 sculptures monumentales. Ces œuvres apparaissent comme des centres, le croisement de plusieurs réflexions ou comme des étoiles générant des satellites.

Elles sont interactives entre elles : leurs regards se parlent, nous indiquent un chemin ; elles nous font signe et nous dévoilent une autre voie. Comme dans un labyrinthe, les parcours se croisent, sont parallèles les uns aux autres et se complètent.

Tandis que le temps s’écoule en douceur, une lumière remplie la salle et éclaire ce monde sous un autre angle. Nos regards sur chaque œuvre changent à tout instant et elles nous semblent encore et toujours différentes. Pendant que leurs lumières internes s’éteignent, leur contour extérieur jaillit de la couleur. La totalité de leur apparence physique nous est découverte. Nous avons soudain l’impression de les voir pour la première fois. C’est comme une seconde rencontre, mais dix ans après, avec un regard enrichi par cette première fois. L’envie de refaire le voyage dans ce musée aux œuvres si précieuses nous saisit ; le souvenir premier nous pousse à encore les contempler, à saisir encore leur vérité. Notre inconscient travaille. La rémanence des premières visions, qui se sont gravées dans notre mémoire, persiste et enrichit notre regard actuel et contemplatif, complétant notre compréhension de ce nouveau moment. L’installation interne propre à cette exposition crée un ciment éphémère, mais bien réel entre passé et présent.

Cette révolution interne à l’exposition induit à chaque instant le changement de nos points de vue ; c’est comme une accélération du temps… Nous sommes transportés de joie par le fait de partager la même sensation que les personnes qui sont là, à coté de nous, car tous, nous sommes émerveillés par un art en mouvement constant, infini, et en cet instant nous nous sentons tous enfants de l’univers.

Puis la lumière de la salle décline petit à petit, jusqu’à totale disparition de l’installation. Néanmoins, l’élément sonore reste toujours présent. Il est éternellement là, mais nous ne sommes pas revenus pour autant au point de départ. Notre conscience s’est enrichie du périple accompli là, ici et maintenant ! devant nous ! autour de nous ! avec nous !… Le noir de la pièce est total ; nous demeurons immobiles, perdus dans ce dédalle d’œuvres que nous ne percevons plus que par leur bande sonore, clairement identifiable dans notre réflexion personnelle.

Des lumières réapparaissent et certaines semblent encore d’une couleur différente… N’aurions-nous pas gardé les bons souvenirs ? Nos premières interprétations n’étaient-elles pas les bonnes ?

17/07/2015